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institut interfacultaire des
transformations socio-écologiques


Les mondes à faire de Doudou Diop. Cinéma, migration et justice environnementale

ULB Campus Solbosch - Batiment S - Salle Dupréel

— 18:00 - 21:00

Doudou Diop, jeune cinéaste originaire de Saint-Louis (Sénégal), plaçait les enjeux de justice environnementale au cœur de ses courts-métrages. Dans son premier film, Dépotoir (2022), deux mères luttent pour subvenir aux besoins de leurs famille en faisant la lessive ou en recyclant les déchets plastiques qui jonchent la plage. La caméra à l’épaule, Diop adopte une esthétique de la basse définition tout en plongeant dans l'univers des déchets : les ordures étant à la fois un motif majeur du cinéma postcolonial et un haut lieu de résistance contre la haute culture. Mais c’est en 2023, pour réaliser un film sur la troisième tentative de traversée de son ami Tapha, que Diop décide de monter à bord d'une pirogue clandestine. Et comme tant d’autres, Doudou Diop est mort dans cette mer rendue mortifère aux portes de l'Europe.

La construction symbolique de la migration comme crise, associée aux images de bateaux surchargés de corps sans visage, a contribué à normaliser la frontière la plus meurtrière du monde. Pourtant, le récit de Doudou Diop résiste à la trivialisation. D'un article dans El Pais à ses copies dans la presse sénégalaise et internationale, d'un minidocumentaire espagnol avorté à un film d'auteur en production, d’un post Instagram à une revue universitaire : son histoire a emprunté de nombreux chemins pour polliniser nos esprits. Un film jamais réalisé et une histoire pleine de trous se sont glissées dans les interstices du discours hégémonique de dissuasion migratoire.

Mais qui sommes-nous pour raconter l’histoire de Doudou Diop ? Alors qu’un film inachevé active de multiples appropriations (au Sénégal et en Europe), celui-ci interroge également nos positions. Si l'histoire de Doudou nous lie, c'est par différents modes de capture. Raconter et regarder l'histoire de Doudou depuis le Nord de la Méditerranée, dans le confort de nos villes barricadées, cela ne relève-t-il pas d’une forme moderne de cannibalisme ? Le malaise de raconter l'histoire de Doudou est inévitable – et tentons de ne pas l’éviter. Comme le suggère Olivier Marboeuf (2022), décoloniser ne consiste pas seulement à se demander d'où l'on pense, mais aussi vers où l'on pense. L’œuvre de Doudou ne nous offre pas seulement une perspective à assimiler, mais aussi un geste à hériter. Aujourd'hui, alors que l’accueil est tantôt définancé, tantôt criminalisé, et que nos administrations tuent, comment pouvons-nous hériter des films de Doudou : ceux qui sont faits, mais aussi ceux qui restent à faire ?

Nous organisons une projection publique de Dépotoir de Doudou Diop et de Xaar Yalla (2021) de Mamadou Khouma Gueye, deux films consacrés à des enjeux clés de la justice environnementale, vus depuis le Sénégal. Après la projection, une table ronde aura lieu avec Mamadou Khouma Gueye, cinéaste et cofondateur du festival Tééméri Bop Koñ à Dakar (« Mille et un coins de rue »), une initiative qui intègre le cinéma dans les luttes locales et Véronique Clette-Gakuba, chercheuse en sociologie au Metices (ULB) et membre du collectif Présences Noires. L’événement sera suivi d’un échange convivial autour d’un verre.

Avec un mot d'introduction de Pierre Coheur (vice-recteur au développement durable de l'ULB)

Entrée libre mais inscription souhaitée : ici

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